terça-feira, 2 de dezembro de 2008

Économie de marché ou capitalisme des oligopoles? (2/4)

Les secrets d'une stratégie économique au service de la haute finance
Samir Amin*


Ce qu’on appelle «la financiarisation du système» n’est rien d’autre que l’expression de la nouvelle politique économique commandée par les intérêts de la haute finance. Nous devons la meilleure analyse de cette stratégie - car il s’agit d’une stratégie et non d’une «exigence objective» - de la haute finance à François Morin (Le Nouveau Mur de l’Argent, Seuil, 2006). J’en reprendrai donc les points essentiels de l’analyse.
Il s’agit d’un oligopole, constitué par une dizaine de grandes banques internationales (suivies par une vingtaine d’autres de moindre capacité), d’investisseurs institutionnels (fonds de pension et fonds de placements collectifs entre autre) gérés par des filiales ou des associés de ces banques, de compagnies d’assurances également largement associées et des groupes de firmes majeures. Cet oligopole financier est le patron actif principal des cinquante ou cent plus grands ensembles de firmes de la finance, de la production industrielle et de l’agro-business, du grand commerce et des transports majeurs.
L’oligopole n’est pas géré par les règles de la «compétition», mais par un mélange de concurrence et d’accords oligopolistiques - dit souvent «consensus» - lui même instable, dans le sens qu’un moment dominé par le consensus (comme le nôtre) pourrait être suivi d’un autre de concurrence féroce. Celle-ci prendrait alors la forme de conflits entre les États, car si chacune des unités qui composent l’oligopole opère sur le terrain transnational de l’économie mondiale, celles-ci demeurent nationales par l’appartenance de leurs directions majeures à la bourgeoisie d’un Etat particulier.
Le quasi monopole que le consensus en cours représente a permis à la haute finance de la triade (États Unis, Europe, Japon) de s’emparer du contrôle du marché financier mondialisé, de déposséder les Ministères des Finances et les Banques centrales dans leurs fonctions de centres qui déterminent par leur propre décision les taux de l’intérêt.
Dans la phase précédente du capitalisme (l’après guerre) les politiques d’Etat, par le canal des Banques centrales, s’étaient donné pour objectif le maintien de taux d’intérêt généralement négatifs en termes réels (inférieurs aux taux d’inflation). La décision d’investissement, libérée largement du poids de l’endettement financier, était commandée d’une autre manière par d’autres moyens : l’expansion du volume des activités et des productions d’une firme, l’autofinancement, l’accès aux prêts des banques, souvent publiques, les soutiens de l’Etat etc.
On dit aujourd’hui que ces moyens ne permettaient pas une «allocation optimale» des capitaux. On se garde de dire que le système qui l’a remplacé – le contrôle du marché financier par la haute finance – ne garantit pas davantage cette fameuse allocation optimale. Dans tous les cas ce concept est lui même un faux concept, déduit d’une doctrine (déguisée en théorie) concernant les propriétés attribuées «au marché généralisé». La théorie de ce marché généralisé est celle d’un capitalisme imaginaire substituée à celle du capitalisme réellement existant.

Des taux d'intérêt élevés au bénéfice de la haute finance
La stratégie de la haute finance dominante s’est donc fixé l’objectif - qu’elle a atteint - de fixer les taux d’intérêt à un niveau positif (réel) élevé. Le but est, à travers le contrôle du marché financier exercé par cet oligopole, d’opérer un prélèvement important sur le surplus (la plus value - en gros le PIB moins les salaires et autres rémunérations du travail) au bénéfice de la haute finance. Ce prélèvement ne garantit en rien l’allocation optimale des capitaux comme l’économie conventionnelle le prétend. De surcroît il ne garantit en rien la croissance économique maximale, mais tout au contraire est à l’origine en grande partie de l’atonie relative de l’économie productive. On sait que les taux de croissance d’aujourd’hui se situent à des niveaux qui ne dépassent guère la moitié de ce qu’ils ont été dans la phase précédente du Welfare State.
Les ambitions de la haute finance ne se limitent pas au contrôle de leurs marchés financiers nationaux ; celle-ci vise à établir sa domination à l’échelle mondiale. La «mondialisation» n’est rien d’autre que la stratégie de conquête déployée à cette fin. L’interpénétration entre les marchés financiers des partenaires de la triade, acquise par la suppression du contrôle des flux financiers et l’adhésion au principe des changes flottants, a été le produit de décisions traduisant la mise en œuvre du consensus des oligopoles de la haute finance de la triade. Par contre l’expansion des interventions de cette haute finance dans les pays du Sud a été imposée à des États plus ou moins réticents, entre autre par l’OMC et le FMI, instruments de l’impérialisme collectif de la triade. La dette, les promesses d’ouverture des marchés du Nord aux produits du Sud (des promesses rarement suivies d’effets), l’ouverture des comptes capitaux et la soumission aux pseudo-marchés des changes flottants ont été les moyens de cette conquête. Les interventions de la haute finance sur ces pseudo-marchés des changes ont pratiquement annihilé les moyens d’États nationaux et permis à la finance transnationale de déterminer les taux de change qui maximisent leurs prélèvements sur la production des pays du Sud.
Quelques données quantitatives que nous empruntons à l’ouvrage de François Morin précédemment cité, traduisent l’ampleur de cette domination de la nouvelle ploutocratie financière de la triade sur l’économie mondiale :

Les transactions sur biens et services (le PIB mondial) ne représente plus en 2002 que 3% des transactions monétaires et financières, les transactions concernant le commerce international à peine 2% des transactions sur le change, les règlements concernant les achats et ventes d’action et d’obligations sur les marchés organisés (des opérations qui sont considérées comme constitutives du marché des capitaux par excellence) que 3,4% des règlements monétaires ! Ce sont les transactions sur les produits de couverture - destinées à couvrir les opérateurs des risques - qui ont «littéralement explosé». Morin - à juste titre - appelle notre attention sur ce fait majeur. 

*Samir Amin - economista egípcio, presidente do World Forum for Alternatives.
Publicado no Marianne 2, a 18 de Agosto de 2008

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